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MC Jaume
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21 janvier 2006

Une nouvelle aire...

Thème Coïtus Impromptus de la semaine, le texte doit se terminer par "une nouvelle ère/aire s'ouvrait à eux". Coïtus a déménagé à une nouvelle adresse et prend un nouvel envol avec un nouvel équipage aux gouvernes. Je ne pouvais donc pas me défiler, et voici ce que j'ai envoyé, pour Coïtus V2 semaine 1.

Plongé dans le bruit de fond de ce bureau “paysager”, une oreille pleine du ronronnement des machines, l’autre du brouhaha des conversations, il erre un peu, comme porté par un nuage. Non, plutôt comme flottant dans un bain de boue tout juste assez dense pour supporter son poids. Ses pensées surnagent difficilement, il a une envie terrible de prendre ses jambes  à son cou et d’aller mettre ce qui lui reste d’intellect à l’abri. Il a du mal à tenir le compte des conversations, en entend distinctement deux et en perçoit trois autres plus loin. Quant aux ordinateurs, à raison de deux par bureau, quatre bureaux par pétale et huit pétales dans le local…plus un téléphone, un agenda téléphonique et un tube au néon qui grésille. Passons sur la métaphore florale qui décrit la disposition des bureaux, elle prête à rire jaune.

Il respire un grand coup, frotte ses yeux douloureux, se lève d’un bond. Badge, porte. Couloir. Angle droit. Couloir. Angle droit. Couloir. Angle obtus, trois cent quinze degrés, deux pas. Le distributeur de boissons. On a le graal que l’on peut.

Son gobelet de mauvais café à la main, comme caché dans un angle du mur, il attend. Ne sait pas trop quoi, un événement improbable, ou simplement que le temps passe.

Un bruit de pas le dérange, une démarche un peu hésitante, lasse. Alors que la contrariété de voir sa retraite troublée le gagne, il voit deux mocassins, un collant à motifs écossais, fronce les sourcils sur une impression de déjà-vu.

- ah ! » elle a sursauté en le découvrant. Il tente un sourire contrit, se souvient du train du matin, elle était assise un peu plus loin, dans le coin opposé au sien, absorbée dans un livre. Il avait remarqué ce collant écossais, la jupe plutôt courte et les mocassins. Il se demandait ce qu’elle aurait bien pu remarquer en lui, et cherche à se cacher dans son gobelet. Il avale d’un trait le fonds de liquide amer, les yeux fermés.

Lorsqu’il les rouvre, leurs regards se croisent, se retiennent un instant. Il sourit, s’en va.

A l’heure du déjeuner, il l’aperçoit au bout du long couloir. Il presse le pas, la rattrape sans trop savoir pourquoi, s’écoute engager une approche convenue dans laquelle il serait question qu’elle ne le laisse pas déjeuner seul. Il n’a pas faim, son estomac est noué par une peur primale qu’il ne saurait exprimer. Dans la cabine de l’ascenseur, il tape d’autorité le numéro du dernier étage de cette interminable tour. Elle lui sourit. Enfin ? Lorsque les portes s’ouvrent, elle lui prend la main, l’entraîne dans un dédale de couloirs déserts. Il connaît aussi le chemin, mais heureux de se sentir guidé, se laisse faire comme un enfant jusqu’au toit balayé par un vent glacial. Lorsqu’elle escalade devant lui l’ultime échelle, il ne songe même pas à regarder sous sa jupe, ce qui l’étonne.

Les voici côte à côte, la « ville lumière » noyée dans la brume deux cent mètres sous leurs pieds. Ensemble, ils écartent les bras face au vent ; leur esprit se vide, ils s’oublient dans le flux d’air qui acquiert une texture restée jusqu’alors imperceptible.

Les badauds sur l’esplanade voient deux points se détacher de la tour, plonger dans vide pour cercler un instant, hésitants encore sur la direction à prendre. Guidant les flux d’air de leurs rémiges, les deux aigles font route vers les montages, où, du fond de leur conscience, ils savaient qu’une nouvelle aire s’ouvrait à eux.

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MC Jaume
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