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MC Jaume
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17 décembre 2005

La lune dans le caniveau

"La lune dans le caniveau" était le thème Coïtus Impromptus à rendre la semaine dernière. Mais l'accumulation d'un certain nombre de contraintes et une flemme chronique à l'approche de l'hiver (car malgré les apparences, nous ne sommes encore qu'en automne), ne m'ont pas permis de mener à bien la rédaction de l'historiette. Cette semaine, il fallait que l'histoire se termine par des mots précis. J'ai donc fusionné les deux pour le petit texte que voici :

La lune dans le caniveau.

Il avait plu toute la journée. En descendant de mon train, je n’avais pas eu le courage de rentrer chez moi. J’avais même tourné le dos à mon trajet habituel, montant dans les ruelles étroites du coteau, errant au hasard dans ces sentes étroites bordées de hauts murs sur lesquels des rebelles provisoires avaient exercé leur maigre talent à la peinture fluorescente. Mes chaussures achetées à moindre coût n’avaient pas tardé à atteindre leurs limites, et l’humidité froide de ce mois de décembre gelait mes pieds.

Je n’avais pas eu le courage de retourner ce soir là dans la maison, presque vide. Sa vue même me désolait, la seule du quartier où l’on ne voyait pas la lueur d’une guirlande électrique, la seule dépourvue de couronne sur la porte, l’une des rares sans père noël accroché à l’antenne télé. Cette maison reflétait l’impression d’exclusion que je pouvais ressentir dans ce lotissement peuplé de cadres, pour moitié retraités, pour moitié en exercice à un niveau hiérarchique sans commune mesure avec le mien.

Sans doute est-ce l’aversion de cette population opulente au  ségrégationnisme condescendant qui m’avait repoussé jusqu’aux confins de la commune, dans une friche industrielle, succession d’ateliers à l’abandon. Les pavés de la rue où j’avançais maintenant étaient inégaux, disjoints, luisants d’humidité. De rares herbes folles essayaient de proliférer.

La rue était longue, piquée de flaques dans laquelle la lune se reflétait par instants. Sur le bord du trottoir, un chat venait à ma rencontre, la queue dressée en point d’interrogation.
- Bonsoir Minerva » plaisantais-je.
- Maaw » Il me frôla et poursuivit son chemin.
J’avançai encore. Je me sentais bien dans ce décor d’un autre temps. Au fonds de ma poche, ma main se referma sur du bois qui ne s’y était jamais trouvé, et je n’en fus même pas surpris. Je n’avais plus froid, et envie de sourire à la lune qui me suivait dans le caniveau. Je m’arrêtai devant une façade, où un portail avait été muré de parpaings. A travers les vitres sales et brisées par endroit, une lueur dansait. Alors, je sortis la fine baguette en bois et dessinai dans l’air une porte, comme si ce geste m’était familier.

Et la porte s’ouvrit. Je m’avançai vers une petite assemblée de gens que je ne connaissais pas, mais qui semblaient n’attendre que moi, qui paraissaient curieux de me rencontrer, de me connaître, de m’accueillir. D’ailleurs, au-dessus d’une table portant un buffet, les mots « bienvenue parmi les tiens » étaient écrits en lettres majuscules.

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MC Jaume
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