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MC Jaume
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22 novembre 2013

Vacheries

Vacheries
(un amusement à cornes pour les Impromptus Littéraires, dédié à tous les concurrents de l'Ultra Trail du Mont Blanc, à Killian Jornet et à Francis Cabrel)

« C’est encore cette époque de l’année ? Ils viennent de plus en plus tôt ! »

« Pourtant, on vient juste de monter à l’alpage, d’habitude, ils arrivent plus tard… »

« Oui, on n’est plus tranquille chez soi. En même temps, avec l’enneigement tardif, hein, on est restées en bas hommement tard »

« N’empêche, ils ont l’air bien crétin ces espèces de pantins avec leurs costumes de papier »

« C’est pas du papier, Marguerite, c’est de la membrane synthétique d’une imperméabilité minimum conseillée de dix mille Schmerber respirante, car présentant une résistance évaporative thermique inférieure à treize pour supporter le mauvais temps en montagne »

« Sans blague ? »

« Si, c’est écrit dans le règlement »

« Treize de RET seulement. Ca doit quand même puer la porcherie à l’arrivée. Parce qu’ils ne vont pas très vite, hein. »

« Bon sang, en voilà un qui s’arrête ! Si je demandais des royalties sur chaque photo, le patron n’aurait plus à négocier de la trésorerie avec son banquier pour le foin d’hiver. Voilà, je fais le malin, je prends la pose et on ne me demande surtout pas la permission avant de me mettre en photo de profil. Un jour, je vais m’en attraper un de ces minus avec sa casquette et son sac ridicules et le faire tourner comme un soleil… »

« Azalée, mon amie, tu deviens lyrique lorsque tu t’énerves ! »

« Enfin, tout de même, il y a de quoi s’indigner, bon sang de bonsoir ! Tiens, regarde le celui-là : je le vois monter depuis le col le nez sur son GPS, alors qu’il n’y a qu’un seul chemin ! il n’a même pas remarqué la Bionnassay au-dessus dans la lumière de l’après-midi. »

« Oui, tu as raison. Heureusement, pour le moment, c’est calme. C’est le jour de la course qu’on va souffrir »

« J’espère qu’ils vont nous monter ailleurs. Je n’ai pas envie de me retrouver là, à subir pendant une éternité les cris inhumains de cette meute aux abois »

« Tu deviens encore lyrique, Azalée mon amie »

Azalée ne répond pas, avance doucement sur le chemin bordé de buissons colorés qui dessert l’alpage, en considérant ses souvenirs flous de génisse, cet hiver où le fils du fermier s’installait à l’étable pour exercer ses talents de chanteur, jusqu’à ce que l’âne exaspéré détruise sa guitare d’une ruade. Un coureur d’apparence frêle s’approche, mais les apparences sont trompeuses, car il court avec aisance dans la pente pourtant soutenue. Soudain, il ralentit, cueille un brin de trèfle sous le museau d’Azalée et repart en le mâchonnant.

« Il ne manque pas de culot celui-là ! Est-ce que je viens manger dans son assiette, moi ? »

 

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MC Jaume
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