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MC Jaume
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29 mars 2006

Quel film!

Livraison Coïtus Impromptus de la semaine.

Quel Film !

Jake aime bien les transports en commun.
Chaque matin, il guette le bus, en surveille l’approche d’un air inquiet, car ce bus est la première clé de son état d’esprit pour la journée. Que l’une de ses places favorites soit libre et c’est un signal positif fort. Une place favorite, pour Jake, c’est un point de vue précis sur le monde qu’il redécouvre chaque jour. Il en a toute une collection : chaque trajet quotidien est une suite de points de vue, une sorte de rituel, comme un scénario sur lequel il ferait chaque jour une nouvelle variation.

Il aime cette succession de scènes, et au fur et à mesure des jours, il a appris à choisir ses places, tantôt scénariste tantôt réalisateur choisissant ses plans et ses cadrages. Là, installé à gauche du bus dans la première partie du trajet, il cadre en plongée sur l’habitacle des véhicules qui le doublent. Plus loin, sur la droite, les boutiques et leurs livreurs défilent dans la structure des portes. Dans le tramway, il peut s’installer derrière la cloison fumée de la cabine du conducteur et s’offrir la vue des voies, ou au contraire aller à l’arrière et voir le paysage s’éloigner, vers le « final cut » de sa destination.

A chaque station, il a aussi ses emplacements : au Musée de Sèvres, il joue avec les lignes du pont, des berges et celles du coteau qui monte vers Meudon. Un peu plus près de l’eau, un peu plus loin du pont…le soir, c’est le soleil couchant qui embrase les façades de Boulogne, comme une rampe de projecteurs, que l’eau de la Seine renvoie, une ou mille fois lorsque le sillage d’une péniche la brise dans un hasard de facettes.

Et puis, les saisons prennent leur place dans le script, teintes, formes : silhouette décharnée des peupliers de l’île Seguin en hiver, rideau compact des allées de marronniers, pelouses rases mangées par les plaques de neige…

Et la trame de l’itinéraire, géométrie des jardins ouvriers, arches des ponts, caténaires et rails dessinant des lignes de fuite, fouillis des petits pavillons, miroir impersonnel des parois de verre des immeubles de bureaux, labyrinthe des ruelles, sentes et escaliers montant à l’assaut du coteau, traînées éclatantes des cerisiers en fleurs…

Et c’est ainsi, deux fois par jour. Jake, malgré son prénom de personnage de cinéma, ne se pose pas en cinéaste. Il n’a même jamais tenu le moindre caméscope en main. Et pourtant, chaque jour, simplement, il laisse faire son imagination et s’oublie dans le montage d’un nouveau film.

Et quel film !

Comme de récente habitude, le manuscrit est dans l'album (ici)

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MC Jaume
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