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MC Jaume
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14 juillet 2005

Le pantalon de Paul.

Texte pour Coïtus Impromptus.

Le pantalon de Paul sifflait.
C’était un curieux bruit, plutôt une vibration, en fait. Encore groggy, il lui fallut du temps pour décoder la situation. Un regard vers le bas lui donna la clé de l’énigme et une poussée d’adrénaline acheva de le tirer de sa torpeur. Tout un puzzle venait de s’assembler d’un coup. Le pantalon qui siffle. Le « bas » qui n’en est pas un, ses pieds qui se détachent sur un fonds d’étoiles. Un reflet bleuté venu de l’arrière dans la visière de son casque. Il regarde encore ses jambes, et voit un panache de glace rosée qui se forme là ou le pantalon de son scaphandre est déchiré sur quelques centimètres. Il se dit qu’il devrait avoir mal car un morceau de métal y semble planté. Que la glace est rose parce que constituée de l’humidité de l’air contenu dans le scaphandre à laquelle se mêle du sang. Que sans doute les moins deux cent degrés du vide ont cryogénisé la plaie, que les terminaisons nerveuses sont mortes. Il a aussi conscience de vivre ses derniers instants, que les huit heures d’air de son scaphandre seront vite absorbées par la fuite. Que ce n’est finalement pas si grave, car il ne se sent pas très bien à l’idée d’agoniser huit heures dans le vide. Il est curieusement serein, et cette sérénité même l’étonne et le rassure. Il se souvient de l’accident, des alarmes de survitesse, du mode panique de l’accostage automatique, de la triple panne si peu probable des commandes manuelles. De son impuissance, depuis sa place à l’arrière du cockpit, à influer sur la catastrophe annoncée. De la violence du choc lorsque le Node 2 éventre la navette, l’éjectant dans l’espace à travers un panneau solaire, de la station se disloquant, le tout dans le plus total silence. Il se souvient de la visière explosée du casque de la pilote, tuée sur le coup par la dépressurisation. Il hésite à l’envier. Il est seul.
Il est seul, entouré de quelques débris, quatre cent kilomètres au-dessus de la Terre.
Alors, il tourne son visage vers la planète, et tandis que l’hypoxie le gagne, contemple le ballet des nuages au-dessus des terres et des mers, les infinies nuances de vert des forêts, l’ocre des déserts, les méandres des grands fleuves jusqu’à ce que son cerveau mourrant l’entraîne dans un ultime flamboiement d’hallucinations.

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MC Jaume
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